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« Une porte que nous ne pouvons plus fermer » - Eglise et mosquée s'unissent

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« Une porte que nous ne pouvons plus fermer » - Eglise et mosquée s'unissent

Un projet d'entreprise pour loger des réfugiés pourrait servir d'exemple pour la coopération interconfessionnelle dans le monde.
11 Avril 2016 Egalement disponible ici :
Mohammed, 27 ans, a fui la violence sectaire en Iraq. Il est l'un des musulmans qui ont choisi de dormir à l'église ; c'était la première fois de sa vie qu'il entrait dans une église chrétienne.

STOCKHOLM, 11 avril (HCR) - La crise des réfugiés a été à l'origine d'un large afflux de générosité de la part des Suédois qui ont offert leur savoir-faire, leur temps et de l'argent.

Mais cette crise a également eu pour conséquence inattendue le rapprochement de deux des plus grandes congrégations musulmanes et chrétiennes suédoises. Elles se sont en effet lancées dans un projet de collaboration unique en créant une entreprise pour loger des réfugiés et elles espèrent que ce projet puisse servir d'exemple pour la coopération interconfessionnelle dans le monde.

Leur entreprise sera en concurrence avec les grosses sociétés privées qui se sont attiré les critiques des médias suédois à cause des bénéfices importants qu'elles encaissent en logeant des réfugiés avec de l'argent public.

« Le professionnalisme, la maîtrise des langues et la compréhension des autres cultures faisaient de la mosquée un partenaire tout désigné », explique Olle Carlsson, le Vicaire de l'église Katarina au coeur de Stockholm et qui a lancé ce projet avec la mosquée de Stockholm toute proche.

« Nous sommes une petite organisation, mais nous coopérons d'une manière unique avec une autre organisation qui dispose d'une foule d'informations au contraire des grandes entreprises d'accueil. »

« C'est la première fois qu'un projet de collaboration de ce genre a été mis en place entre nos deux communautés religieuses », indique Abdallah Salah, le secrétaire général de l'organisation caritative Secours islamique en Suède et qui travaille à la mosquée pour mettre en place ce projet avec l'église.

« J'espère que nous pourrons exporter cette idée vers d'autres pays, pour montrer que nous devons travailler ensemble, vivre ensemble et que nous avons un avenir ensemble », déclare Abdallah Salah. « Nous devons trouver des moyens de coopérer et nous y parviendrons. »

Ce projet est le résultat de quatre mois d'un partenariat sans précédent entre l'église, qui accueille régulièrement des congrégations atteignant jusqu'à 1000 paroissiens le dimanche et la mosquée qui voit plusieurs milliers de musulmans passer ses portes toutes les semaines pour la prière du vendredi. Depuis septembre dernier, elles se sont rapprochées pour offrir des lits pendant leur transit à Stockholm à un tiers de tous les réfugiés en route vers d'autres pays.

Tout a commencé après des vacances en Grèce, où Olle Carlsson a vu des bateaux débordants de réfugiés réduits au désespoir. En les voyant arriver chaque semaine par milliers à la gare Centrale de Stockholm, il lui a semblé tout à fait naturel de prendre contact avec la mosquée qui n'est qu'à quelques centaines de mètres de l'église Katarina.

L'église a mis en place un groupe de soutien dont la page Facebook rassemble entre temps plus de 2600 personnes. Les réfugiés allaient d'abord à la mosquée pour manger et se laver avant d'aller dormir à l'église.

Mohammad, 27 ans, a fui la violence sectaire à Bagdad. Il est l'un des musulmans qui ont choisi de dormir à l'église. C'était la première fois de sa vie qu'il entrait dans une église chrétienne.

« À la gare de Stockholm, j'ai rencontré des volontaires qui m'ont offert à manger et de l'eau. Ils m'ont demandé où je préférais aller, à la mosquée ou à l'église. J'ai répondu : à l'église », se souvient Mohammad.

« C'était un sentiment merveilleux. Chez nous, les musulmans n'ont pas le droit d'entrer dans les églises. Certains réfugiés sont allés à l'église simplement parce qu'ils voulaient voir comment c'était. Ils ont découvert que les gens les respectaient, alors qu'ils étaient chrétiens et que nous étions musulmans. »

Mohammad dit que l'accueil qui lui a été réservé était extraordinaire. « À l'église, nous avons tous été accueillis comme des rois. J'avais l'impression d'être un être humain pour la première fois de ma vie. Je n'en avais pas l'habitude. C'étaient des gens vraiment bien. »

Néanmoins, les deux dirigeants religieux disent qu'ils se sont aussi heurtés à de la résistance au sein de leurs congrégations.

« Notre initiative commune suscite une certaine réticence et des préoccupations », explique Olle Carlsson. « Certains chrétiens de notre communauté pensent que nous nous soumettons, mais Jésus lui-même a dit qu'il fallait se mettre à la dernière place. Je pense qu'il n'y a pas de raison d'en faire une question de prestige. »

« Les critiques se sont tues au fur et à mesure que le projet a évolué », dit-il.

Abdallah Salah explique s'être également heurté à des obstacles. « Notre communauté s'est posé un certain nombre de questions, comme : comment parvenir à ne pas débattre de questions théologiques ?... Certains pensent que ça pose un problème quand des musulmans dorment dans une église », dit-il, « mais je crois que nous gérons cela très bien. Je suis convaincu que ça marchera. »

Olle Carlsson pense que l'église peut jouer un rôle vital pour aider les réfugiés à s'intégrer, en offrant « une voie rapide pour entrer dans la communauté suédoise. » « Pour l'avenir du pays, il est essentiel que nous travaillions ensemble », dit-il.

« Cela fait 30 ans que les musulmans et les chrétiens discutent des différences qui les séparent », dit Abdallah Salah, « et personne n'a osé faire quelque chose d'aussi concret que ce que la mosquée fait maintenant avec l'église.

« Ne nous attardons plus à parler des 10% qui séparent nos religions et concentrons-nous sur les 90% que nous avons en commun par nos valeurs et par notre perception du bien et du mal », dit-il.

« Et en travaillant ensemble, chaque partie en apprend beaucoup sur l'autre », ajoute Olle Carlsson.

« Tout ce qui se passe est passionnant. Même si je connais un peu l'Islam, je me sens encore très inculte. Mais plus nous passons de temps ensemble, plus je comprends et plus je réalise à quel point ça touche ma famille et mes collègues, car il y a encore beaucoup de préjugés en Suède », dit Olle Carlsson.

Pour Mohammad, les désaccords théologiques entre les deux religions sont nettement moins importants que l'aide si nécessaire qu'elles peuvent apporter à des gens comme lui. « La mosquée qui coopère avec l'église pour aider les gens - c'est ce que tout le monde devrait faire », indique-t-il.

En lançant une entreprise commune, nous avons dépassé la « phase romantique » de la collaboration entre l'église et la mosquée, explique Olle Carlsson. Et en disposant d'une structure d'entreprise établie, avec des procédures convenues pour résoudre les différends, il n'y aura plus moyen de revenir à l'époque révolue où les deux religions ne se parlaient que pour évoquer leurs différences.

Et Olle Carlsson conclut : « Nous avons ouvert une porte que nous ne pouvons plus fermer. »

David Crouch, à Stockholm