Fermer sites icon close
Search form

Recherchez un site de pays.

Profil du pays

Site web du pays

Rompre le silence

Articles et reportages

Rompre le silence

Rencontre avec Suzan, l'une des 40 jeunes volontaires oeuvrant pour protéger les femmes et les filles du Soudan du Sud dans une installation pour réfugiés au nord de l'Ouganda.
10 Mars 2015
Suzan cherche les femmes et les filles risquant des violences sexuelles et liées au genre.

Rencontre avec Suzan, l'une des 40 jeunes volontaires oeuvrant pour protéger les femmes et les filles du Soudan du Sud dans une installation pour réfugiés au nord de l'Ouganda.

Dans l'installation de réfugiés de Nyumanzi, au nord de l'Ouganda, où le bruit des familles préparant le repas plane dans l'air voilé d'une fin d'après-midi, Suzan Yar Agot, 18 ans, fait sa ronde dans un quartier appelé Bloc C. Autrefois, ses tournées n'avaient pas de but précis, une manière de tromper l'ennui de sa vie de réfugiée. Maintenant Suzan marche avec un objectif, ayant trouvé un moyen d'aider sa communauté.

Suzan fait partie des 40 réfugiés volontaires -presque tous des jeunes - qui s'efforcent d'encourager les réfugiés à signaler la violence sexuelle et liée au genre et font de la prévention.

« Les personnes viennent me parler de leurs problèmes parce qu'ils ont besoin d'aide et ils savent que je peux les aider », dit-elle. « J'informe les jeunes pour qu'ils changent leur culture et qu'ils sachent ce qui est mal et ce qui est bien. Le mariage forcé existe, ainsi que l'abus des enfants. Les membres de notre communauté ne sont pas éduqués, mais ils sont en train de changer. Au début, ils ne savaient pas, mais je leur parle et je les fais changer d'avis ».

Suzan discute avec des réfugiés du Soudan du Sud qui vivent dans l'installation de Nyumanzi au nord de l'Ouganda.

Le projet remonte à la fin 2013, quand le gouvernement des Etats-Unis a annoncé des financements pour une nouvelle initiative sur trois ans avec le HCR destinée à prévenir et à répondre à la violence sexuelle et liée au genre dans les urgences humanitaires du monde entier. Intitulé « Safe from the Start », ce programme vise à garantir que la prévention soit comprise comme une intervention essentielle, vitale, dès le début d'une urgence.

Au-delà de sa participation au projet « Safe from the Start », Suzan passe chaque jour du temps avec des enfants séparés et non accompagnés dans l'installation de Nyumanzi, essayant de les aider à dépasser leurs mauvais souvenirs de la guerre. « Je leur dis qu'ici, en Ouganda, ils sont en sécurité, et je leur dis d'aller à l'école quand il y en a une », déclare-t-elle.

Suzan ne comprend que trop bien leur lutte - elle a fait partie des nombreux enfants que leurs parents ont laissés en Ouganda pour leur sécurité avant de retourner dans leur pays. Dans le cas de Suzan, sa mère l'a emmenée en Ouganda quand elle avait à peine 17 ans. Elle est d'abord restée avec sa tante puis toute seule.

« Je leur dis qu'ici, en Ouganda, ils sont en sécurité, et je leur dis d'aller à l'école quand il y en a une ».

La mère de Suzan est soldat dans l'armée du Soudan du Sud, et son père a été tué dans des affrontements entre tribus à propos du bétail au Soudan du Sud quand elle était petite. Sa mère est restée pendant un mois dans l'installation pour réfugiés avant de retourner au Soudan du Sud. Depuis lors, Suzan n'a plus aucune nouvelle d'elle.

Posant son regard sur ses mains pour cacher ses larmes, elle déclare : « Je ne peux pas aller à l'armée avec elle, et je ne peux pas l'empêcher d'y aller ».

Suzan est assise dans sa petite hutte de terre dans l'installation de Nyumanzi, en train de potasser des documents sur la violence sexuelle et liée au genre.

Suzan rêve de devenir « quelqu'un ». Elle explique : « Je veux tout savoir ; ce qui est mal, ce qui est bien. Je voudrais être médecin pour sauver des vies ». Mais, pour le moment, cela reste un rêve. Sa mère étant partie et aucun proche ne vivant autour d'elle, Suzan n'a personne pour payer les frais de scolarité lui permettant de poursuivre ses études secondaires en Ouganda.

« Ma vie est ennuyeuse parce que je n'étudie pas », déclare-t-elle. « Mon engagement dans le projet 'Safe from the Start' a sauvé ma vie. Si je n'étais pas impliquée dans ce projet, j'aurais très facilement pu finir mariée.

«Mon engagement dans le projet 'Safe from the Start' a sauvé ma vie».

Son travail n'est pas toujours facile : elle est confrontée aux critiques et parfois aux abus des membres plus âgés de la communauté, principalement les hommes, qui considèrent qu'ils ont le droit de forcer leurs filles et leurs soeurs à se marier, et qui mettent du temps à changer d'avis.

« Ils utilisent les filles comme un bien pour le mariage », affirme Suzan. « C'est comme quand des hommes de 45 ans viennent et disent qu'ils peuvent épouser une fille de 15 ans, et nous leur disons qu'ils ne peuvent pas et ils ne sont pas contents ».

« Les femmes souffrent dans notre culture », ajoute-t-elle. « Elles n'ont pas de pouvoir. Les hommes sont ceux qui ont le pouvoir et les femmes ne sont pas éduquées ».

Suzan se renseigne sur une femme handicapée qui a amené trois jeunes orphelins dans l'installation pour réfugiés de Nyumanzi au nord de l'Ouganda.

Awol Deng* est une femme à Nyumanzi qui a été en danger. Elle est venue voir Suzan quand le frère de son mari défunt a essayé de la forcer à se remarier contre sa volonté. Il l'a menacée de prendre ses enfants et même de la tuer si elle ne faisait pas ce qu'il lui demandait. Grâce à l'intervention de Suzan, elle est aujourd'hui en sécurité dans une maison de protection du HCR loin de l'installation. « Dieu m'a aidée à rencontrer de bonnes personnes », affirme Awol. « Je cherchais quelqu'un qui pourrait m'aider et je suis tombée sur ces personnes ».

Awol s'est rendue chez Suzan, mais c'est au cours de ses promenades dans l'installation que Suzan trouve la plupart des personnes qu'elle aide - s'arrêtant pour bavarder, apprenant des nouvelles et ouvrant l'oeil sur des problèmes potentiels.

Tandis que Suzanne se fraye prudemment un chemin à côté des casseroles d'une famille, munie de son carnet, d'un crayon et d'un sourire, elle affirme : « Il n'y a pas beaucoup de projets dans lesquels les jeunes peuvent s'impliquer et 'Safe from the Start' en est un. Avant, j'allais jouer. Mais maintenant je suis trop occupée ».

*Le nom a été modifié pour des raisons de protection