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Typhon Haiyan : Des communautés indigènes cherchent à rompre le cycle du déplacement

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Typhon Haiyan : Des communautés indigènes cherchent à rompre le cycle du déplacement

Jahina Lugasan a été déplacée deux fois dans sa vie, et notamment par le typhon Haiyan. Elle refuse de transmettre cet héritage à sa petite-fille.
4 Février 2014 Egalement disponible ici :
Les lanternes du HCR éclairent les nuits du village de Badjoa, où l'électricité n'est toujours pas rétablie.

ISABEL, Philippines, 4 février (HCR) - Agée de 85 ans, Jahina Lugasan ne sait pas ce que signifie avoir un chez-soi. Sa vie a été marquée par une série de déplacements générés par le conflit ou des catastrophes naturelles. Et à moins d'un changement drastique, ses enfants pourraient hériter de son infortune.

Jahina et son mari sont des aborigènes badjao du sud des Philippines, où un conflit armé fait rage depuis des décennies. En 1987, ils ont fui leur région natale en quête d'une vie plus calme avec leurs six enfants. Ils ont rejoint la ville d'Isabel, dans la province de Leyte à l'ouest du pays. Ils y ont construit une nouvelle maison, dans le village côtier de Marvel avec l'accord du propriétaire, un homme politique local. Pendant de nombreuses années, ils ont vécu parfaitement intégrés dans leur nouveau village et ils parlent la langue locale.

Mais leur vie a de nouveau été frappée le 8 novembre 2013, quand le typhon Haiyan a généré une onde de tempête de près de 5,30 mètres qui a tout balayé sur la côte. Jahina est redevenue sans-abri. Cette fois-ci, même ses petits-enfants ont également été déracinés.

« Nous nous sommes cachés dans une église située non loin et nous avons eu de la chance d'en réchapper après le passage du typhon meurtrier. Par contre, nous avons tout perdu, notre maison et toutes nos affaires », explique-t-elle.

Après le typhon, la famille de Jahina a quitté l'église, mais leur maison était détruite. Le propriétaire leur a interdit de retourner sur les lieux et de reconstruire une nouvelle maison, au motif de nouvelles règles édictées par les autorités sur les « zones non constructibles. » Ces règles interdisent la construction de bâtiments à moins de 40 mètres de la côte pour éviter l'impact de catastrophes futures.

Au total, environ 300 Badjaos se sont vus refuser l'accès à leur ancienne adresse, ce qui ne fait que renouveler le cycle du déplacement forcé, causé d'abord par le conflit et maintenant par le typhon. Affaiblie et traumatisée, Jahina a aidé d'autres Badjaos à collecter des débris, des feuilles de cocotiers et des morceaux de bambous qui avaient été éparpillés par les vagues dévastatrices. Ils s'en sont servis pour fabriquer des huttes sur pilotis le long de la côte.

« Voulons-nous vivre juste au bord de la mer ? Non. Mais quel autre choix avons-nous ? » explique-t-elle, en faisant part de ses craintes pour la sécurité de sa famille en cas de nouveaux typhons.

Des bâches en plastique ont été fournies par le HCR et aident à protéger la famille contre les éléments. Une lampe à énergie solaire éclaire leurs nuits sans repos. A ce jour, le HCR est venu en aide à près d'un demi-million de rescapés du typhon Haiyan en leur distribuant du matériel d'aide nécessaire à leur survie, et notamment 45 000 bâches en plastique et 10 000 lampes à énergie solaire. Le HCR continue d'aider les survivants du typhon les plus vulnérables, en particulier les communautés indigènes comme les Badjaos.

« Ce que nous voulons, c'est notre propre terrain à Isabel pour y construire nos maisons. Ce n'est pas grave si nous sommes pauvres. Ce qui importe, c'est que nous ayons un foyer qui soit protégé des typhons. Alors, nous serons heureux », déclare Jahina, qui était l'un des premiers Badjaos à s'installer dans cette ville.

La pêche est la principale source de revenu pour les Badjaos, qui ont demandé aux autorités locales de leur allouer des terrains les protégeant des fortes tempêtes, tout en étant situés non loin des côtes.

Cette communauté indigène installée à Isabel fait partie des 4,1 millions de personnes déplacées par le typhon Haiyan aux Philippines. Alors que plus de 20 typhons menacent chaque année les Philippines comptant plus de 7 000 îles, aucune loi nationale n'existe pour garantir le bien-être des personnes déplacées par les typhons et d'autres catastrophes naturelles ou par des conflits armés, et aussi - comme c'est le cas pour les Badjaos d'Isabel - par une combinaison de ces facteurs.

En février 2013, le HCR a salué la législature philippine pour ses progrès réalisés avec l'adoption d'une loi sur le droit des personnes déplacées internes à la protection et à l'assistance. Ce projet de loi, le premier de ce type en Asie-Pacifique, a malheureusement été rejeté un peu plus tard.

De nouveaux efforts pour relancer ce projet de loi sur la protection et l'assistance aux déplacés redonnent espoir à Jahina et à d'autres personnes déplacées quant au respect de leurs droits. S'il est adopté, la loi permettra aux personnes déplacées de bénéficier de protection et d'assistance durant la durée de leur situation de déplacement, et leur garantira le retour, la réinstallation et la réinsertion.

A Isabel, Jahina regarde sa petite-fille âgée de deux mois née quelques jours avant le passage du typhon Haiyan. Elle espère beaucoup pour l'avenir de sa petite-fille et elle veut croire qu'un jour enfin, la famille Lugasan trouvera un vrai chez-soi.

Par Johanna Morden

A Isabel, Philippines