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Crise du Congo : le calvaire de la fuite et de la séparation familiale pour un garçon de 10 ans

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Crise du Congo : le calvaire de la fuite et de la séparation familiale pour un garçon de 10 ans

Sukuru s'habitue à l'épreuve du déplacement dans l'est du Congo. Et, malgré les violences récentes, le jeune garçon de 10 ans garde espoir.
27 Novembre 2012 Egalement disponible ici :
Sukuru est impatient de retourner à l'école, qui est fermée depuis la reprise des combats à la mi-novembre. Sur cette photo prise début 2012, il est entouré de deux camarades de classe, au camp de Mugunga III.

MUGUNGA III, République démocratique du Congo, 27 novembre (HCR) - Perdre un enfant est le cauchemar de tout parent. Le calvaire de Baseme et Eugénie était d'autant plus grave qu'ils furent séparés, pendant plusieurs jours, de leur fils de 10 ans, Sukuru, au milieu d'une zone de combats, tandis que des balles sifflaient autour d'eux et que les gens fuyaient pour rester en vie.

C'était il y a six mois, mais ces deux dernières semaines ont dû leur donner un goût de déjà vu lorsque des combats ont éclaté une fois encore dans la province congolaise du Nord-Kivu entre les forces gouvernementales et les rebelles du mouvement M23. Ces combats ont forcé des dizaines de milliers de personnes à quitter leurs maisons. Nombre d'entre elles ont trouvé refuge au camp de Mugunga III, où sont également installés Sukuru et sa famille.

Le HCR s'était entretenu avec eux fin octobre, juste avant la progression des rebelles et leur prise de contrôle de Goma, le chef-lieu de la province, qui a conduit les agences humanitaires à évacuer leur personnel non indispensable pour le Rwanda et a fait augmenter l'inquiétude pour les milliers de déplacés vivant à Mugunga III.

La situation demeure très tendue au Nord-Kivu et dans le Sud-Kivu voisin, c'est pourquoi un membre du personnel du HCR fut très soulagé de retrouver Eugénie le week-end dernier lors de la première distribution de nourriture à Mugunga III, après une interruption de l'aide durant plusieurs jours. La famille allait bien malgré l'incertitude et elle a quitté une tente commune pour une maison construite avec des matériaux financés par le HCR. Mais l'école du camp a fermé.

Lors de la première rencontre avec Sukuru, il était difficile d'imaginer le désespoir que le jeune garçon avait dû éprouver après avoir perdu sa famille pendant une attaque de leur village, situé à 20 kilomètres au nord-ouest de Mugunga III, dans la région de Masisi, au Nord-Kivu.

Après quatre années relativement calmes, de violents combats ont éclaté à la fin avril entre les forces gouvernementales et le mouvement rebelle M23, qui compte parmi ses rangs des déserteurs mécontents de l'armée. Cette vague de violence et d'autres qui ont suivi ainsi que l'anarchie générale en octobre ont généré plus de 220 000 déplacés au Nord-Kivu.

La première vague de combats est survenue à Masisi et a forcé Sukuru, ses parents, trois de ses jeunes frères et soeurs et leurs voisins à fuir. « Il y avait des tirs partout », a expliqué le jeune garçon à Mugunga. « Nous étions paniqués, les coups de feu venaient de partout », a ajouté son père âgé de 31 ans. Baseme a indiqué que Sukuru, son fils aîné, s'était perdu dans le chaos de la fuite éperdue. « Lorsque vous voyez vos voisins couchés sur le sol, vous paniquez », a-t-il souligné.

Les enfants, les femmes, les personnes âgées et les handicapés sont particulièrement vulnérables durant la fuite en quête de sécurité. Le HCR est vivement préoccupé sur leur protection dans des situations instables comme le Congo, où le déplacement de populations fait presque partie de la vie courante. Sukuru et ses parents, par exemple, avaient déjà fui leur maison en 2008. Beaucoup des personnes sur la route ces 15 derniers jours ont été déjà déracinées plusieurs fois, y compris de nombreux enfants séparés de leurs familles.

« J'avais de vieilles chaussures et je n'arrivais pas à suivre », s'est rappelé Sukuru. Il était terrifié, mais son instinct de survie l'a poussé et il a suivi le flot des personnes qui fuyaient le village. « Je courais sans voir où j'allais. Je ne faisais que suivre la foule. Je ne pouvais pas m'arrêter de pleurer car j'avais perdu mes parents. »

Ce fut également un moment lourd en émotion pour ses parents. Une fois que les combats ont cessé, Baseme est retourné dans son village mais il n'a trouvé aucune trace de Sukuru. Le garçon était alors en route vers Goma.

« La première nuit, j'ai dormi sous un arbre, au bord de la route », a indiqué Sukuru, qui avait faim. Il était tout seul. Ses parents lui manquaient, même s'il était entouré de centaines de personnes qui rejoignaient Goma. « Il y avait d'autres Mamans autour de moi mais elles étaient trop occupées avec leurs propres enfants et leurs affaires. Elles ne pouvaient pas s'occuper de moi. »

Ses parents étaient déjà arrivés à Mugunga 3, en même temps que des milliers d'autres civils nouvellement déplacés. Ils y ont rencontré une infirmière qui se rappelait d'eux lorsqu'ils étaient là en 2008. Elle se souvenait par chance de Sukuru à Goma et l'a dit à Baseme. « Lorsque mon père m'a retrouvé, j'étais tellement fatigué qu'il a dû me porter sur le dos jusqu'à notre arrivée au camp de Mugunga », s'est rappelé Sukuru.

Lorsque le HCR a rencontré Sukuru, il semblait s'être remis du traumatisme de la marche en solo vers la sécurité. Mais le renouveau de l'instabilité dans l'est du Nord-Kivu rend l'avenir incertain et a interrompu le cours normal des services dans les camps. Le HCR et ses partenaires font leur possible pour reprendre les programmes d'assistance et assurer à nouveau les services essentiels, dès que la sécurité le permettra.

Sukuru appréciait beaucoup d'aller à l'école et il était optimiste pour son avenir. « Je veux être un bon éducateur, un bon professeur pour que les élèves comprennent leurs leçons », avait-il expliqué -avant la crise de la mi-novembre- au HCR en partant à l'école, ses livres sous le bras, les montagnes volcaniques du Nord-Kivu en spectaculaire toile de fond.

Mais malgré les derniers coups durs et les diverses expériences traumatiques pour les civils dans l'est de la RDC, la mère et le fils gardent espoir qu'il puisse reprendre un jour son éducation. C'est également une priorité pour le HCR.

Parallèlement, la violence a également empêché son père et d'autres déplacés à chercher du travail journalier à Goma pour aider à l'autosuffisance de leurs familles.

Préoccupé par les personnes les plus vulnérables, comme Sukuru et ses proches et par sa capacité à les aider, le HCR a appelé tous les groupes armés à assurer la sécurité des civils. « Le HCR exhorte toutes les parties au conflit à adopter des mesures pour protéger les civils et prévenir les attaques aveugles ou disproportionnées contre la population civile », a indiqué la semaine dernière Stefano Severe, le Représentant régional du HCR. Il a également lancé un appel d'urgence pour que les camps de déplacés soient protégés et que le caractère civil des camps soit préservé.

Par Céline Schmitt à Mugunga III, République démocratique du Congo