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Note sur les titres de voyage pour réfugiés

Réunions du Comité exécutif

Note sur les titres de voyage pour réfugiés
EC/SCP/10

30 Août 1978

I. Introduction

1. Pour un réfugié, il est particulièrement important de pouvoir voyager hors du pays où il réside habituellement. C'est parfois d'un voyage lui donnant, par exemple, la possibilité de faire des études ou d'acquérir une formation ou un emploi que dépend essentiellement la solution durable des problèmes auxquels il doit faire face. A cet égard, les gouvernements ont eux aussi intérêt à faciliter les voyages des réfugiés.

2. Contrairement à un étranger ordinaire, le réfugié ne jouit pas de la protection du pays dont il est ressortissant et ne peut donc pas faire usage d'un passeport national pour se déplacer à l'étranger. Lorsque, après la première guerre mondiale, la communauté internationale s'est donné pour tâche d'établir un statut des réfugiés reconnu internationalement, un de ses premiers soins a été de veiller à ce que les réfugiés soient munis de titres leur permettant de voyager à l'étranger. La forme et le contenu de ces documents ont varié à différentes reprises, mais ils ont néanmoins servi de base au titre de voyage institué par la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Ce titre de voyage, qui est maintenant délivré régulièrement par les Etats parties à la Convention de 1951 et au Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, est aussi reconnu par beaucoup d'Etats qui ne sont pas parties à ces instruments.

3. Selon l'expérience du HCR, cependant, les gouvernements ne reconnaissent pas toujours comme allant de soi le droit des réfugiés d'obtenir le titre de voyage prévu par la Convention. Certains gouvernements ne délivrent pas aux réfugiés le titre en question ou ne le font qu'avec beaucoup de réticence. D'autres acceptent de le délivrer, mais l'assortissent de restrictions diverses, concernant la durée de validité du titre lui-même, les pays pour lesquels il est valable ou le droit du titulaire de revenir dans le pays de délivrance. Dans certains cas, les réfugiés n'obtiennent que difficilement le renouvellement ou la prorogation de leur titre, ou la délivrance d'un nouveau titre de voyage par les Etats dans lesquels ils peuvent être considérés comme ayant transféré leur résidence. Ces pratiques restrictives ont souvent pour conséquence fâcheuse d'entraver la liberté de déplacement du réfugié - liberté qui, on l'a déjà dit, peut avoir pour lui une importance particulière.

4. Le Haut Commissaire pense donc que la question de la délivrance de titres de voyage aux réfugiés peut utilement faire l'objet d'un examen détaillé de la part du Sous-Comité plénier sur la protection internationale Il espère que le Sous-Comité appuiera les efforts qu'il ne cesse de déployer pour faire en sorte que, partout où cela est possible et pratiquement réalisable, les déplacements des réfugiés soient facilités par la délivrance de titres de voyage appropriés.

5. L'objet de la présente note est :

  • de retracer brièvement l'historique de l'évolution du titre de voyage pour réfugiés;

  • d'indiquer les principales caractéristiques de ce titre et les conditions et conséquences de sa délivrance;

  • d'exposer quelques-uns des problèmes auxquels se heurtent les réfugiés qui cherchent à se faire délivrer un titre de voyage;

  • d'énoncer certaines conclusions indiquant la voie à suivre pour résoudre ces différents problèmes.

II. Evolution historique du titre de voyage des réfugiés

6. Le premier instrument international en faveur des réfugiés, rédigé en 1922, visait exclusivement la délivrance aux réfugiés de certificats d'identité servant de titres de voyage. Divers instruments internationaux adoptés ultérieurement entre les deux guerres mondiales prévoyaient également la délivrance de tels certificats. A l'origine, ces certificats d'identité, que l'on a appelés par la suite « passeports Nansen », consistaient en une simple fouille de papier; ils n'avaient pas, comme les titres de voyage pour réfugiés institués ultérieurement, la forme d'un livret ressemblant à un passeport national. Le premier instrument international ne contenait aucune indication sur la durée de validité du certificat d'identité et, d'autre part, disposait expressément que le certificat n'impliquait nullement le droit du titulaire de retourner dans le pays d'émission sans autorisation spéciale. Dans les instruments ultérieurs, il a été précisé que le titre devrait avoir normalement une validité d'un an. Quant au droit de retour, des dispositions ont été adoptées par la suite, autorisant le titulaire à rentrer dans le pays d'émission durant la période de validité du certificat. Il a été spécifié d'autre part que ce droit de retour ne pouvait être restreint que dans des cas exceptionnels.

7. Après la fin de la seconde guerre mondiale, le grand nombre de réfugiés nouveaux a rendu nécessaire l'adoption d'un titre de voyage ressemblant davantage à un passeport et plus largement reconnu. C'est un document de ce genre qu'a institué l'« Accord de Londres » du 15 octobre 1946 concernant la délivrance d'un titre de voyage à des réfugiés.1 Il devait avoir la forme d'un carnet, conformément au modèle joint à l'Accord, et la durée de validité du titre devait être d'une année ou de deux, au choix de l'autorité qui le délivrait. Il devait être valable pour le plus grand nombre possible de pays et donner à son titulaire le droit de rentrer dans le territoire de l'autorité de délivrance pendant la période de validité dudit titre. Dans des cas exceptionnels seulement, ce droit de retour pouvait être limité à une période qui ne devait pas être inférieure à trois mois. Les dispositions relatives au « titre de voyage de Londres » étaient en fait très proches de celles qui régissent actuellement le titre de voyage de la Convention de 1951.

Le titre de voyage pour réfugiés prévu par la Convention de 1951

8. L'article 28 de la Convention de 1951 dispose

« 1. Les Etats contractants délivreront aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire des titres de voyage destinés à leur permettre de voyager hors de ce territoire à moins que des faisons impérieuses de sécurité nationale ou d'ordre public ne s'y opposent; les dispositions de l'Annexe à cette Convention s'appliqueront à ces documents. Les Etats contractants pourront délivrer un tel titre de voyage à tout autre réfugié se trouvant sur leur territoire; ils accorderont une attention particulière aux cas de réfugiés se trouvant sur leur territoire et qui ne sont pas en mesure d'obtenir un titre de voyage du pays de leur résidence régulière.

2. Les documents de voyage délivrés aux termes d'accords internationaux antérieurs par les parties à ces accords seront reconnus par les Etats contractants, et traités comme s'ils avaient été délivrés aux réfugiés en vertu du prisent article. »

9. Les Etats qui adhèrent au Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés assument eux aussi l'obligation de délivrer des titres de voyage conformément à l'article ci-dessus.2

Description du titre de voyage prévu par la Convention

10. Le texte et la présentation du titre de voyage prévu par la Convention sont fixés dans l'Annexe de la Convention de 1951.

11. Le HCR s'est rendu compte assez tôt au cours de son activité qu'il serait bon que le titre de voyage délivré par divers Etats en application de la Convention soit aussi uniforme que possible, non seulement quant au texte (qui est prescrit dans l'Annexe) mais aussi quant à la couleur, au type de couverture, à la présentation et à l'impression. A cet effet, le HCR a établi, de concert avec les gouvernements, un document modèle ayant la forme d'un carnet à couverture bleue rigide et ressemblant à un passeport national. Le Comité consultatif du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (prédécesseur du Comité exécutif actuel) a recommandé que le titre de voyage délivré par les gouvernements aux termes de la Convention soit conforme au modèle établi par le HCR. La plupart des Etats qui délivrent le titre en question ont adopté cc modèle, de telle sorte que le titre de voyage bleu délivré en application de la Convention est aujourd'hui universellement connu. Il est accepté comme valable pour l'apposition de visas non seulement par les Etats parties à la Convention de 1951 et/ou au Protocole do 1967, mais pratiquement par tous les pays dans lesquels les réfugiés désirent se rendre.

12. Pour faciliter la tâche aux pays qui ont adhéré récemment à la Convention et/ou au Protocole, notamment aux pays en développement, le HCR a fait imprimer et peut fournir aux gouvernements, sur leur demande, des exemplaires du titre de voyage prévu par la Convention. Ces exemplaires sont conformes au modèle prescrit par la Convention et disponibles en trois versions (anglais-français, français-anglais et arabe-anglais-français).

Conditions et conséquences do la délivrance des titres de voyage prévue par la Convention

a) Cas dans lesquels le titre de voyage de la Convention doit être délivré

13. Selon le paragraphe 1 de l'article 28 de la Convention de 1951, les Etats contractants doivent délivrer aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire des titres de voyage destinés à leur permettre de voyager. On verra que cette disposition contient doux Cléments.

14. Premièrement, les documents devant ainsi être délivrés aux réfugiés sont « destinés à leur permettre de voyager ». Le libellé impératif de cette disposition implique qu'un Etat contractant ne peut pas refuser de délivrer un titre de voyage à un réfugié si, par exemple, il considère le voyage envisagé comme inopportun. Les travaux préparatoires relatifs à cette disposition indiquent que pour recevoir, comme il en a le droit, un titre de voyage « destiné à lui permettre do voyager », le réfugié n'a pas à fournir de « justification » du voyage envisagé.3

15. Deuxièmement, l'obligation de délivrer un titre de voyage existe à l'égard des réfugiés « résidant régulièrement » sur le territoire d'un Etat contractant. Toutefois, le paragraphe 1 de l'article 28 dispose aussi que les Etats contractants « pourront délivrer un tel titre de voyage à tout autre réfugié se trouvant sur leur territoire; ils accorderont une attention particulière aux cas de réfugiés se trouvent sur leur territoire et qui ne sont pas en mesure d'obtenir un titre de voyage du pays de leur résidence régulière ».4 Cette recommandation est particulièrement utile dans les cas où l'Etat qui a été le premier à admettre un réfugié n'est pas partie à la Convention de 1951 ou au Protocole de 1967, ou a d'autres raisons (telle la limitation géographique des obligations qu'il a assumées en vertu de la Convention) de ne pas délivrer de titres de voyage à certains groupes de réfugiés.

b) Ces dans lesquels la délivrance d'un titre de voyage de la Convention peut être refusée

16. Une exception à l'obligation des Etats contractants de délivrer un titre de voyage aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire est exprimée par les mots « à moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d'ordre public ne s'y opposent ». Au cours des travaux préparatoires relatifs à l'article 28, il a été souligné que le mot « impérieuses » devait s'entendre comme restreignant la portée des mots « raisons ... de sécurité nationale ou d'ordre public ». Un refus de délivrer un titre de voyage ne peut donc être justifié par de quelconques circonstances relevant normalement de cette notion, mais seulement par des raisons extrêmement graves.5

c) Etendue géographique de la validité du titre de voyage de la Convention

17. Le paragraphe 4 de l'annexe à la Convention de 1951 dispose que, sous réserve de cas spéciaux ou exceptionnels, le titre sera délivré pour le plus grand nombre possible de pays. Habituellement, les Etats n'apportent pas de restrictions géographiques à la validité du titre. Pour des raisons de sécurité, toutefois, certains Etats prévoient que le titre n'est pas valable pour le pays d'origine du réfugié.

d) Durée de validité du litre de voyage de la Convention

18. La durée de validité du titre devrait être d'une année ou de deux, au choix de l'autorité qui le délivre (annexe, paragraphe 5). On se souviendra que les premiers instruments internationaux concernant les réfugiés fixaient la durée de validité des certificats d'identité à une année, tandis que l'Accord de 1946 prévoyait, comme la Convention de 1951, une durée de validité d'une année ou de deux années, au choix de l'autorité qui délivrait le titre. Les Etats parties à la Convention de 1951 font rarement usage de cette option pour délivrer un titre de voyage valable une année seulement. Une durée de validité aussi brève pourrait, dans certains cas, imposer au réfugié un véritable fardeau et, pour ce qui est du renouvellement du titre, présenter aussi des inconvénients administratifs considérables pour les autorités du pays de délivrance au ses représentants diplomatiques ou consulaires à l'étranger. Quant au réfugié, il a évidemment intérêt à disposer d'un titre de voyage d'une durée de validité suffisamment longue, surtout s'il désire se rendre dans un autre pays pour y faire des études ou s'y réinstaller.

e) Renouvellement au prolongation de la validité du titre de voyante de la Convention

19. Le renouvellement ou la prolongation de validité du titre est du ressort de l'autorité qui l'a délivré, aussi longtemps que le titulaire ne s'est pas établi régulièrement dans un autre territoire et réside régulièrement sur le territoire de ladite autorité. L'établissement d'un nouveau titre est, dans les mêmes conditions, du ressort de l'autorité qui a délivré l'ancien titre [Annexe, paragraphe 6,1)].

20. Poux faciliter la prolongation de validité des titres de voyage prévus par la Convention lorsque les réfugiés se trouvent hors du pays de délivrance, il est également prévu que les représentants diplomatiques ou consulaires, spécialement habilités à cet effet, auront qualité poux prolonger, pour une période qui ne dépassera pas six mois, la validité des titres de voyage délivrés par leurs gouvernements respectifs [Annexe, paragraphe 6,2]. Bien qu'il soit dit que la durée des prolongations en question ne doit pas dépasser six mois, un certain nombre d'Etats contractants ont autorisé leurs représentants diplomatiques ou consulaires à accorder des prolongations pour des périodes plus longues. Ou encore, ils ont pris des dispositions pour que les titres de voyage délivrés aux termes de la Convention puissant être transmis par les représentants diplomatiques ou consulaires aux fins de renouvellement, sans que le réfugié lui-même ait à retourner dans le pays de délivrance. Ces mesures tiennent compte de la situation difficile dans laquelle peut se trouver le réfugié qui est obligé, pour faire renouveler son titre de voyage, de retourner dans le pays qui le lui a délivré, surtout s'il s'en trouve très éloigné.

f) La « clause de retour »

21. Aux termes de la Convention de 1951, chaque Etat contractant s'engage à permettre au titulaire d'un titre de voyage délivré par ledit Etat de revenir sur son territoire à n'importe quel moment pendant la période de validité de ce titre (Annexe, paragraphe 13). Sur le titre do voyage même figure (en page 1) une mention de la période pendant laquelle le titulaire est autorisé à retourner dans le pays de délivrance. La période indiquée coïncide habituellement avec la durée de validité du document lui-même. Cette « clause de retour » permet d'obtenir plus facilement des visas pour des voyages de brève durée hors du pays où réside habituellement le réfugié. Ce facteur joue aussi un rôle important dans les arrangements destinés à permettre à des réfugiés d'aller faire des études dans des établissements d'enseignement à l'étranger, ainsi que pour la réinstallation de réfugiés venant de pays où ils ont trouvé un asile temporaire.

22. Selon le point 3 du paragraphe 13 de l'Annexe, la validité de la clause de retour peut, dans des cas exceptionnels ou dans les cas où le permis de séjour accordé au réfugié par le pays de délivrance est valable pour une période déterminée, être limitée à une période qui ne doit pas être inférieure à trois mois. Ces « cas exceptionnels » ne sont pas spécifiés. Il est toutefois évident, vu le but essentiel de la délivrance d'un titre de voyage aux réfugiés (à savoir, faciliter leurs déplacements), que ces exceptions doivent se limiter aux cas où il existe des raisons très particulières de restreindre la validité de la clause de retour à une durée moindre que celle de la validité du titre de voyage.

g) Reconnaissance internationale du titre de voyage de la Convention

23. La validité des titres de voyage délivrés conformément à l'article 28 doit être reconnue par tous les Etats parties à la Convention de 1951 et/ou au Protocole de 1967 (Annexe, paragraphe 7). La possession d'un titre de voyage délivré on application de la Convention prouve que les autorités du pays de délivrance considèrent le titulaire comme un réfugié. En pratique, la grande majorité des Etats non seulement reconnaissent le titre de voyage délivré aux termes de la Convention comme document valable pour l'apposition de visas mais l'admettent aussi comme prouve de la qualité de réfugié du titulaire.

h) Transfert de responsabilité pour la délivrance du titre de voyage de la Convention

24. Lorsque le déplacement du réfugié n'a pas un caractère purement temporaire, la question se pose de savoir si, et dans l'affirmative à quel moment, le deuxième pays doit assumer la responsabilité du réfugié et échanger le titre de voyage qui lui a été délivré aux termes de la Convention contre un nouveau titre de voyage délivré par ses propres autorités.

Ce cas est réglé par le paragraphe 11 de l'Annexe de la Convention de 1951

« Dans le cas d'un réfugié changeant de résidence et s'établissant régulièrement dans le territoire d'un autre Etat contractant, la responsabilité de délivrer un nouveau titre incombera désormais, aux termes et aux conditions de l'article 28, à l'autorité compétente dudit territoire, à laquelle le réfugié aura le droit de présenter sa demande. »

25. Par conséquent, lorsqu'un réfugié change de résidence et s'établit régulièrement dans un autre Etat contractant, les autorités de cet Etat devraient lui délivrer un nouveau titre de voyage conforme aux prescriptions de la Convention. Cependant, il arrive parfois qu'on, ne lui délivre pas un titre de voyage « aux termes et aux conditions de l'article 28 » mais un passeport pour étranger ou quelque autre type de document n'indiquant pas son statut de réfugié, pratique qui ne paraît pas compatible avec la lettre et l'esprit de l'article 28 de la Convention de 1951 et de l'Annexe à cette Convention.

26. La Convention de 1951 ne donne aucune indication quant au cas dans lequel un réfugié doit être considéré comme « s'établissant régulièrement dans le territoire d'un autre Etat contractant, ni, par conséquent, sur le moment où est transféré la responsabilité de délivrer un titre de voyage aux termes de la Convention. Cette question ne se pose évidemment pas lorsqu'un réfugié entre sur le territoire d'un autre Etat contractant aux fins d'un séjour purement temporaire, par exemple pour tourisme ou affaires. Mais il en va différemment lorsqu'un réfugié est autorisé à entrer sur le territoire d'un autre Etat contractant à titre plus permanent ou pour un séjour de plus langue durée, par exemple pour y prendre un emploi.

27. La Convention de 1951 ne donnant aucune indication en là matière, il est arrivé que des réfugiés, sans être fautifs, soient victimes de la divergence des interprétations et de la diversité des pratiques des Etats. Pour remédier à un tel état de choses, divers Etats européens ont conclu des accords bilatéraux ou multilatéraux6 réglant la question du transfert de responsabilité en matière de délivrance du titre de voyage prévu par la Convention. Ces accords définissent les critères - principalement la durée du séjour - à prendre en considération pour déterminer si un réfugié s'est établi sur le territoire d'un Etat contractant autre que celui qui lui a délivré un titre de voyage aux termes de la Convention. Habituellement, la durée du séjour entraînant transfert de responsabilité est fixée à deux ans, sauf dans un cas où elle est de trois ans. Les accords de ce genre contribuent à prévenir les situations - nécessairement préjudiciable, au réfugié - dans lesquelles on ne distingue pas clairement si l'Etat contractant qui a délivré un titre de voyage aux termes de la Convention resté tenu de le renouveler, ou si c'est à l'Etat où le réfugié réside déjà depuis un certain temps qu'il incombe désormais de délivrer un tel titre.

28. Lorsque les paragraphes 6 et 11 de l'Annexe ont été rédigés, on s'est évidemment rendu compte qu'ils risquaient d'être source de contestation quant au moment où doit s'opérer le transfert de responsabilité. C'est pour contribuer à surmonter les difficultés de ce genre que l'on a introduit dans le paragraphe 6 de l'annexe la recommandation du point 3, qui vise les situations susceptibles de se présenter lorsque le premier, pays de résidence du réfugié considère que celui-ci s'est établi dans un second pays, mais que ce second pays ne l'a pas encore admis à résider sur son territoire. Aux termes de ce point 3 :

« Les Etats contractants examineront avec bienveillance la possibilité de renouveler ou de prolonger la validité des titres de voyage ou d'en délivrer de nouveaux à de, réfugiés qui ne sont plus des résidents réguliers dans leur territoire dans les cas où ces réfugiés ne sont pas en mesure d'obtenir un titre de voyage du pays de leur résidence régulière. »

i) Visas et admission

29. Même lorsqu'un réfugié est détenteur d'un titre de voyage délivré aux termes de la Convention, il a généralement besoin d'un visa pour entrer dans un autre pays, non seulement aux fins d'y exercer un emploi ou y faire des études, mais même pour un séjour de brève durée.

30. La question des visas et de l'admission fait l'objet des paragraphes 8, 9 et 10 de l'Annexe de la Convention de 1951. Les autorités du pays dans lequel le réfugié désire se rendre apposeront, si elles sont disposées à l'admettre, un visa sur le titre dont il est détenteur, si un tel visa est nécessaire (paragraphe 8). Les Etats contractants s'engagent à délivrer des visas de transit aux réfugiés ayant obtenu le visa d'un territoire de destination finale; ces visas ne pourront être refusés que pour les motif pouvant justifier le refus de visa à tout étranger (paragraphe 9). Enfin, les droits afférents à la délivrance de visas de sortie, d'admission ou de transit ne dépasseront pas le tarif le plus bas appliqué aux visas de passeports étrangers (paragraphe 10).

31. A l'époque où la Convention de 1951 à été adoptée, c'est-à-dire pendant la période de l'après-guerre, les voyages internationaux étaient encore, d'une manière générale, soumis à d'importantes restrictions, Par la suite, ces restrictions ont été progressivement réduites ou levées au moyen d'accords bilatéraux ou multilatéraux, qui ont exempté les ressortissants des Etats contractants de l'obligation d'obtenir un visa ou même de celle d'être munis d'un passeport pour se rendre sur le territoire d'un autre Etat partie aux accords en question.

32. Les réfugiés, quant à eux, n'ont pas bénéficié dans une mesure appréciable de cet assouplissement des restrictions aux voyages internationaux. Ils continuaient à avoir besoin de titres de voyage et de visas; comme, dans la plupart des pays, les autorités consulaires n'étaient pas habilitées à leur délivrer de tels visas, leurs demandes de visa devaient être renvoyées aux autorités centrales du pays intéressé. Cela non seulement entraînait des retards considérables, mais rendait souvent impossible le voyage du réfugié. L'assouplissement général des restrictions au bénéfice des ressortissants des pays a donné un relief particulier aux difficultés rencontrées par les réfugiés, lesquels avaient l'impression d'être l'objet en ce domaine de mesures discriminatoires.

33. Pour remédier à cet état de choses, des arrangements ont été pris dans le but de faciliter les déplacements des réfugiés. Il n'était guère possible de supprimer l'obligation d'obtenir un visa lorsqu'il s'agissait d'installation permanente, mais on pouvait certainement envisager d'assouplir quelque peu les formalités nécessaires pour les séjours purement temporaires. C'est ainsi qu'un certain nombre d'accords bilatéraux et - dans le cadre du Conseil de l'Europe - l'Accord européen du 20 avril 1959 relatif à la suppression des visas pour les réfugiés ont été conclus en vue de dispenser les réfugiés de l'obligation d'obtenir un visa. Aujourd'hui, 14 Etats sont parties à ce dernier accord qui, entre autres dispositions, dispense les réfugiés de l'obligation d'obtenir un visa pour les séjours ne dépassant pas une durée de trois mois (et n'ayant pas pour but l'exercice d'une activité lucrative).7 Toutefois, les accords ne s'appliquent qu'aux réfugiés qui sont munis d'un titre de voyage délivré aux termes de la Convention par les Etats parties auxdits accords. Seule la République fédérale d'Allemagne a Unilatéralement renoncé à exiger un visa, pour les séjours sur le territoire fédérale des détenteurs d'un titre de voyage délivré par certains autres pays aux termes de la Convention.

34. Le HCR a toujours encouragé les mesures qui ont pour but de faire en sorte que les réfugiés bénéficient eux aussi des arrangements conclus entre Etats pour dispenser leurs ressortissants des formalités de visa. En l'absence de tels arrangements, les voyages des réfugiés peuvent être facilités par divers autres moyens. C'est ainsi que les représentants consulaires habilités à délivrer des visas aux titulaires d'un passeport national sans se référer aux autorités centrales de leur pays pourraient l'être également à accorder des visas aux détenteurs d'un titre de voyage de la Convention. Conformément au paragraphe 10 de l'Annexe de la Convention de 1951, les droits perçus pour la délivrance de visas pourraient être réduits. Enfin, en vertu du paragraphe 9 de l'Annexe, les visas de transite particulièrement importants pour les réfugiés qui voyagent en vue de se réinstaller ou de poursuivre des études, devraient être accordés sans difficulté et refusés uniquement pour des motifs pouvant justifier le refus d'un tel visa à tout étranger.

III. Problèmes auxquels se heurtent les réfugiés qui désirent se faire délivrer un titre de voyage

35. Sur les 76 Etats qui, au 31 juillet 1978, étaient parties à la Convention de 1951 et/ou au Protocole de 1967, beaucoup délivrent aux réfugiés le titre de voyage prévu par les dispositions de la Convention. Mais le HCR est au courant de nombreux cas où des réfugiés ont eu beaucoup de difficulté à obtenir ce titre de voyage. Parfois, la raison en est simplement que les autorités de l'Etat intéressé n'ont pas encore pris les dispositions techniques et administratives nécessaires pour la délivrance de titre de voyage de la Convention; dans d'autres cas, les raisons sont plus complexes.

36. Dans les Etats où il existe des procédures officielles pour la détermination du statut de réfugié, la délivrance du titre de voyage de la Convention se fait en général assez facilement. Là où de telles procédures n'existent pas, il arrive que l'intéressé soit obligé de justifier de sa qualité de réfugié lorsqu'il demande le titre de voyage en question. Or, les autorités mettent parfois peu d'empressement à procéder à une détermination formelle du statut de réfugié simplement à l'occasion d'une demande de titre de voyage, cap a) le requérant a généralement déjà obtenu l'autorisation de séjourner dans le pays et b) il lui est parfois facile d'obtenir quelque autre document, par exemple un passeport pour étrangers. Mais l'expérience montre que ces autres documents sont généralement beaucoup moins favorables au réfugié que le titre de voyage de la Convention. Comme il a été dit plus haut, le titre de voyage de la Convention est aujourd'hui largement reconnu et beaucoup plus facilement accepté aux fins des formalités de visa. De plus, seul ce titre permet aux réfugiés de se prévaloir des dispositions d'arrangements spéciaux les dispensant des formalités de visa - tel l'Accord européen de 1959 relatif à la suppression des visas pour les réfugiés.

37. D'autres Etats se montrent peu disposés à délivrer le titre de voyage prévu par la Convention à cause de la « longue » durée de sa validité ou de la « clause de retour ». D'autres encore, tout en acceptant de délivrer ce titre de voyage, ont considérablement réduit la durée de validité du titre lui-même ou de la clause de retour, même dans des cas qui ne relèvent pas de l'exception prévue au Point 3 du paragraphe 13 de l'Annexe de la Convention de 1951.

38. En ce qui concerne particulièrement la clause de retour; l'expérience montre qu'elle n'a pas seulement l'avantage de faciliter aux réfugiés les voyages de caractère temporaire, mais qu'elle joue un rôle important dans les arrangements qui leur permettent d'aller faire des études dans un établissement d'enseignement à l'étranger et encore pour la réinstallation ultérieure des réfugiés qui n'ont trouvé qu'un asile temporaire. En effet; pour les pays qui offrent aux réfugiés des possibilités d'études, il est important de savoir que ceux qui mettent à profil ces offres pourront retourner dans le pays de premier asile à la fin de leurs études. Des considérations analogues jouent en cas de réinstallation, dans l'éventualité où, peu après l'admission du réfugié, on constaterait que son intégration dans le pays n'est manifestement pas possible. Dans la pratique, toutefois, les cas où le pays de réinstallation a fait usage de la clause de retour pour renvoyer un réfugié dans le pays de premier asile, ou ceux où le réfugié lui-même a invoqué cette clause, ont été très rares. Par conséquent, on peut dire que l'octroi de la clause de retour ou, au besoin, la prolongation de sa validité, facilitent sensiblement la recherche de solutions durables aux problèmes des réfugiés, sans imposer une charge excessive à l'Etat qui l'accorde.

39. Dans bien des cas, le refus de certains Etats d'accorder une clause de retour d'une durée de validité normale, ou de prolonger la validité d'une clause de retour déjà accordée, a des conséquences très fâcheuses. Le réfugié concerné se trouve souvent dans une situation très difficile parce qu'il ignore jusqu'au dernier moment si la clause de retour lui sera accordée et s'il pourra profiter d'une occasion de se réinstaller ou de faire des études. Dans d'autres cas, il risque de perdre ou perd cette occasion à cause du retard avec lequel la clause de retour lui est accordée. Ce retard, dans le cas d'une demande de prorogation de la clause, peut obliger un réfugié étudiant à l'étranger à renoncer à poursuivre ses études ou à les interrompre et, en tout cas, est pour lui une cause de tension et d'inquiétude extrêmes.

40. Pour le HCR, les efforts visant à obtenir en pareil cas l'octroi ou la prolongation de validité d'une clause de retour représentent une charge administrative considérable : souvent, en effet, il est appelé à faire un certain nombre de démarches à la fois dans le pays de délivrance du titre de voyage (pour obtenir l'octroi ou la prorogation de la clause de retour) et dans le pays où le réfugié désire se rendre ou se trouve déjà (pour obtenir le maintien des possibilités offertes jusqu'à ce qu'une solution soit trouvée). Il convient aussi de mentionner les dépenses - atteignant parfois des milliers de dollars - que peuvent entraîner l'octroi d'une aide d'urgence et d'allocations d'assistance et d'entretien, ainsi que les heures de travail fournies par le personnel, jusqu'à ce que les problèmes créés par l'impossibilité d'obtenir la clause de retour ou une clause d'une durée de validité suffisante soient finalement résolus.

41. Souvent aussi des problèmes se posent en ce qui concerne la prorogation ou le renouvellement des titres de voyage prévus par la Convention. Ces problèmes sont liés à la question du transfert de responsabilité (paragraphes 24 à 28 ci-dessus) ou à l'absence d'arrangements appropriés permettant à un réfugié de faire renouveler son titre par les représentants diplomatiques ou consulaires de l'Etat de délivrance dans le pays où il séjourne (paragraphes 19 et 20 ci-dessus).

42. Enfin, le HCR a eu connaissance d'un certain nombre de cas où les réfugiés ont eu de la difficulté à obtenir l'apposition de visas sur le titre de voyage qui leur avait été délivré aux termes de la Convention - difficulté due souvent au fatigue les autorités compétentes pour la délivrance du visa n'ont pas tenu compte du caractère particulier du titre de voyage de la Convention. Dans d'autres cas, les droits élevés dont le paiement est exigé pour la délivrance d'un visa mettent le réfugié dans une situation difficile ou constituent un sérieux obstacle à sa liberté de déplacement.

43. Les différents problèmes évoqués dans les paragraphes qui précèdent concernent les réfugiés résidant dans des Etats parties à la Convention de 1951 et/ou au Protocole de 1967. Il va sans dire que si les réfugiés résident dans un pays qui n'a pas encore adhéré à ces instruments, ils se heurtent pour voyager à des difficultés encore plus grandes. L'Etat en cause n'est pas tenu de délivrer de titre de voyage. Même s'il en délivre, le document en question peut présenter un certain nombre d'inconvénients, comme celui de ne pas être partout reconnu et accepté aux fins des formalités de visa, de ne pas comporter de clause de retour - ce qui oblige le réfugié à obtenir un visa pour rentrer dans le pays - de n'être valable que pour une brève période, etc.

IV. Conclusions

44. L'institution du titre de voyage pour réfugié remonte aux premiers temps de l'établissement d'un statut des réfugiés reconnu sur le plan international. En effet, la possibilité, pour un réfugié, d'obtenir un titre de voyage constitue un élément important de ce statut.

45. Le titre de voyage délivré aux termes de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 facilite énormément les déplacements des réfugiés qui vont faire un séjour temporaire à l'étranger, et joue aussi un rôle important dans la recherche de solutions durables aux problèmes des réfugiés.

46. Il est donc souhaitable que les Etats parties à la Convention de 1951 et/ou au Protocole de 1967 délivrent des titres de voyage aux réfugiés comme il est prévu à l'article 28 et dans l'annexe de la Convention, et que les Etats qui ne l'ont pas encore fait prennent les dispositions administratives et techniques voulues, le cas échéant de concert avec le HCR, pour la délivrance du titre de voyage de la Convention.

47. Il est également souhaitable que les Etats délivrent ce titre de voyage avec libéralité, c'est-à-dire

a) qu'ils le délivrent à tous les réfugiés qui résident régulièrement sur leur territoire et désirent voyager;

b) que les titres de voyage délivrés aient une validité étendue, aussi bien sur le plan géographique que dans le temps;

c) qu'à moins de circonstances très particulières ces titres de voyage comportent une clause de retour ayant la même durée de validité que le titre lui-même.

48. Il faudrait envisager favorablement l'adoption d'arrangements permettant aux réfugié, d'obtenir la prorogation ou le renouvellement du titre de voyage de la Convention sans être obligés de retourner dans le pays qui l'a délivré, surtout lorsque ce pays est éloigné de celui où ils séjournent.

49. Pour ce qui concerne le « transfert de responsabilité » en matière de délivrance du titre de voyage de la Convention, il est important pour les réfugiés que les dispositions des paragraphes 6 et 11 de l'Annexe de la Convention de 1951 ne fassent pas l'objet d'interprétations divergentes de la part des Etats contractants. Les accords bilatéraux ou multilatéraux ayant pour but de fixer le moment où s'opère ce transfert de responsabilité sont d'un grand intérêt. En l'absence de tels accords, les Etats devraient s'efforcer de faire en sorte que les divergences d'interprétation concernant le moment où la responsabilité est transférée ne jouent pas au détriment du réfugié.

50. Toutes les fois que cela est possible, il conviendrait d'étendre aux réfugiés l'application des mesures destinées à faciliter les voyages des ressortissants du pays intéressé. Les formalités prévues pour l'octroi de visas aux réfugiés a quand ces visas sont nécessaires - devraient être simplifiées et les réfugiés ne devraient pas avoir à payer des droits de visa plus élevés que les ressortissants des pays où ils résident habituellement.

51. Les pays qui ne sont pas partie à la Convention de 1951 ou au Protocole de 1967 devraient veiller à ce que des titres de voyage appropriés soient délivrés aux réfugiés qui résident régulièrement sur leur territoire. Dans la mesure du possible, la délivrance de ces titres devrait être soumise à des conditions analogues à celles qui sont applicables aux titres de voyage délivrés conformément à la Convention de 1951.


1 Nations Unies, Recueil des traités, vol, XI, No 150.

2 Aux termes du paragraphe 1 de l'article premier du Protocole : « Les Etats parties au présent Protocole s'engagent à appliquer aux réfugiés, tels qu'ils sont définis ci-après, les articles 2 à 34 inclus de la Convention. »

3 E/AC.32/SR.16 p. 12-14, SR.42 P. 5-7; A/CONF.2/SR.12 p. 4-13; SR.17 p. 4-12.

4 Les passages soulignés ne le sont pas dans le texte de la Convention.

5 A/CONF.2/61 et Commentaire do M. N. Robinson sur la Convention de 1951, page 136 (document en anglais).

6 Accord du 12 juin 1964 entre l'Autriche et les pays du Benelux concernant le séjour des réfugiés; Accord entre la Suisse et les pays du Benelux concernant le droit de retour des réfugiés travailleurs, du 14 mai 1964; Accord sur la circulation des réfugiés entre la Suisse et la France, du 12 avril 1960; Protocole final de l'accord du 4 mai 1962 entre la Suisse et la République fédérale d'Allemagne sur la suppression des visas pour les réfugiés; Accord du 21 octobre 1974 entre l'Autriche et la France concernant le séjour de réfugiés au sens de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés.

7 Dans la résolution (58)5 du 27 mars 1958, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a recommandé aux gouvernements membres, en attendant la signature de l'accord susmentionné sur la suppression des visas pour les réfugiés, a) de délivrer gratuitement à ces réfugiés des visas d'entrée sur leur territoire, au moins pour des séjours inférieurs ou égaux à trois mois, b) d'accélérer les formalités afférentes à la délivrance des visas d'entrée pour les réfugiés par les autorités consulaires, notamment lorsque le voyage est particulièrement urgent pour des raisons humanitaires.